vendredi 23 mars 2007

Rochat (et Rabaey), 2007

1er mars 2007

Je suis retourné chez Rochat samedi soir. Beaucoup mieux que la fois précédente (voir mon compte-rendu d'alors), avec son menu dégustation interminable et pas si bien. Un service exquis, hyper-professionnel ET chaleureux.

Dommage qu'on ait rencontré le chef, qui visiblement ne supporte que la louange sous ses dehors de playboy bronzé. Il faut pourtant bien lui dire que, quand on prétend autant à la perfection méticuleuse, et qu'on pratique des prix positivement stratosphériques (800 FS pour deux entrées plat dessert et une bouteille de Puligny-Montrachet à 150FS: beaucoup plus cher qu'il y a deux ans), les clients sont en droit d'attendre des cuissons parfaites et régulières. Rien n'est certes rebutant, mais, sur trois morceaux de ris de veau, de tailles égales, deux sont un peu trop cuits. Nos voisins de table se font servir des pintadeaux, d'ailleurs truffés, macaronisés et appétissants, dont les cuissons sont visiblement légèrement excessives et surtout différentes.

Ca n'arrive pas chez Bocuse, Pacaud (qui n'a pas de site web, mais voici une autre critique dans le Financial Times). Surtout, si ça arrive, le chef ne vous renvoie pas dans les cordes en vous disant: "si c'est trop cuit pour vous, il faut le renvoyer, on le refait". Gros con.

Mais à part ça, vraiment bien. Le sentiment qu'on prend soin de toi. Généreux en truffe, la meilleure purée de ma vie, des compositions apparemment simples et très méticuleuses.La maison se soucie de perfection artistique, ou artisanales, avec ses tranches de poireau et de comté étalées en rang comme pour le défilé du 14 juillet, la Patrouille de France constituée par des feuilles d'épinard luisantes et non moins parallèles et ordonnées, et puis un soupoudrage de truffe en batonnets et petits cubes, des pointes de vinaigrettes bicolores, font figures de lampion et de confettis.

Le foie gras aux cerises, avec une brioche épicée, est une belle composition, malheureusement un peu chargée en cerise. Mais si on organise ses bouchées soigneusement, on peut corriger ce déséquilibre et profiter de l'alchimie entre cerise si sucré et foie gras si gras.

Pour accompagner la purée de pomme de terre truffée exceptionnelle, j'avais un pied de cochon farci aux ris de veau, et abondamment truffé. Kerstin juste les ris de veau, dont j'ai déjà parlé. Dommage pour la cuisson approximative, mais c'est très bon, et la surcuisson du ris de veau est compensée par l'onctuosité de la purée. et le pied de porc et tout en gélatine et consistance gluante. C'est rare que j'arrive pas à nettoyer l'assiette, même avec du pain.

Avec le soufflé aux fruits de la passion, je comprends que, si Rochat a appelé son livre "Flaveurs", c'est pas seulement qu'il est suisse et qu'ils font des mots comme ça. C'est aussi qu'il attache peut-être autant d'importance aux odeurs qu'au goût. Car ce soufflé, très parfait, très léger, accompagné d'un jus de passion un peu (trop?) acide, est essentiellement enivrant à l'odeur. L'odeur seule est une expérience très proche de la tarte à la passion du regretté Jamin, assez chavirante. La même chose était d'ailleurs vraie du Puligny-Montrachet 2001 qui accompagnait le repas: odeur sublime, gout bon.

Le café est délicieux, ce qui est digne de remarque. Les différents pains aussi, ce qui ne l'est pas moins. Bref, une maison très sophistiquée, presque à la hauteur de ses ambitions, chaleureuse. Presque parfait. Mais, à la différence de ce que disent certains, la perfection excessive n'existe pas. C'est juste parfait ou pas. Ca l'était pas.

Par opposition, ceci dit, Rabaey est entièrement dévolu au produit exceptionnel, qu'il traque sans répit. Le beurre, le ris de veau. La meilleure pate feuilletée que je connaisse. Miam, miam. Chez Rochat, on admire l'art, les découpes et les présentations millimétrées. Et le service exceptionnel. Chez Rabaey, la très bonne bouffe joue un plus grand rôle. Mon impression du style du personnel de salle au Pont de Brent, ceci dit, était plus froide et distante, non sans cette tradition un peu arrogante du service à la française.

L'art contre la matière, en somme. Il parait que, le dimanche, ils vont ensemble faire du vélo dans les monts du Vaudois.

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