8 mars 2007
J'avertis d'emblée: ma vue est biaisée car je crois que, dans une démocratie, on peut s'adresser à l'intelligence des électeurs, et qu'on a tort de les mépriser en les réduisant à un ensemble de peur.
Pourquoi reprocher en particulier à François Bayrou de n'avoir pas de programme? Il propose manifestement des choses assez concrètes et dont tout le monde sait qu'elles sont souhaitables: le refus du déficit de fonctionnement budgétaire, la simplification administrative, la priorité à l'investissement et à la recherche, l'exigence de présence pour les députés.
Quelqu'un peut-il me dire ce que Ségolène et Nicolas proposent de possible? La posture de Ségo est morale. C'est peut-être en ça qu'elle est de gauche, mais c'est aussi en ça qu'elle fait fond sur une certaine tradition vieille France, non sans évoquer Pétain. Ségolène nous dit "avec moi, le changement il est là". Et que c'est manifeste parce qu'elle est une femme, une mère. Elle "l'assume dans sa relation au pouvoir".
Son programme économique, c'est l'invocation du "gnangnan", pardon, du "gagnant-gagnant", dont on a bien l'impression qu'elle même ne comprend pas le concept. Pas parce que c'est une femme, note. Sur ce point elle peut en effet fièrement se dire digne héritière de François Mitterrand, obligé de demander à Rocard pour comprendre quelque chose à l'économie.
Son programme social, c'est la féminité et le préjugé. Ainsi cette première loi annoncée, contre les violences faites aux femmes, qui nous promet qu'il ne sera plus nécessaire de porter plainte pour éloigner le conjoint mâle du domicile familial. Sans même parler de la discrimination manifeste qui consiste à inscrire dans la loi que par définition, ce sont les hommes qui battent les femmes (il y a un pas d'une réalité statistique à une discrimination juridique), il s'agit donc d'entériner l'idée que l'accusation, la délation simple, sont des façons appropriées de réguler la société.
Le fonds vieille France, avec ses préjugés et sa bonne conscience, se manifeste aussi dans la sélection même de la candidate, après tout la seule "française innocente", (i.e. pas juive), dans les termes de Raymond Barre des trois candidats socialistes. Et plus encore dans la stratégie de débat avec les opposants: Sarkozy, "néo-conservateur américain à passeport français", n'est qu'un étranger. C'est pour ça qu'il est méchant. Pas français.
C'est qu'elle a la politique "chevillée au corps", comme Pétain qui lui aussi, faisait don de son corps à la France. Et puis elle sourit. C'est tellement génial.
Et Nicolas? Lui, c'est l'attitude homme. Pas femme. Donc, litanie des préjugés inverses de ceux présidant à la campagne de Ségo: viril et énergique, compétent, protecteur, mais pas si proche de nous. Et puis, comme nous le montre les Guignols, en fin de compte, il voudrait bien leur casser la gueule, mais ils se contrôle pour l'instant. Pas de programme non plus, on ne sait pas ce qu'il veut changer d'important en France, sans même mentionner, bien sûr, qu'on ne sait toujours pas pourquoi il ne pouvait pas agir depuis le gouvernement, et il ne pourra que comme Président.
D'ailleurs, allons voir sur son site le "programme": président qui tient ses engagements". OK, quels sont-ils? "Président du pouvoir d'achat", "président de la valeur travail", président de l'accession à la propriété", "président d'une démocratie irréprochable". C'est tout. Notez bien que je suis entièrement favorable à avoir de l'argent, à posséder mon appartement, et à avoir des hommes politiques honnêtes qui n'utilisent pas leur fonctions électives pour avoir des ristournes immobilières.
Mais les maux français sont la dette, la désintégration sociale, le chômage bien sûr, la régression de l'éducation, la faiblesse des investissements et de la recherche, et les corporatismes qui favorisent l'immobilisme. Qui, des trois candidats, contesterait ce diagnostic?Dans l'ensemble, donc, des attitudes seulement.
Et, quand ils parlent de Bayrou, l'affirmation indubitable qu'il faut être, soit de droite, soit de gauche, et que c'est ce qui compte. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'on a eu un second tour gauche-droite en 2002. Et d'ailleurs, nous rappellent les intellos du Nouvel Obs, le vrai débat politique, c'est les partisans du marché contre ceux de l'Etat social. Une vraie opposition fondamentale, et qui marche. Libéral ou alter-mondialiste, choisis ton camp, camarade.
Qui ne voit pas que ceux qui affirment qu'on ne peut pas sortir de l'opposition droite-gauche ne font d'ailleurs renforcer celui qui questionne sa valeur éternelle et indépassable?
Qu'on critique le programme de Bayrou, qu'on attaque même sa personnalité, sa crédibilité. Mais qu'on arrête de nous prendre des imbéciles et de vouloir nous faire peur en nous disant que voter Bayrou, c'est faire le jeu des extrêmes. Et par là on veut bien évidemment dire Le Pen car, même si on ne croit pas aux sondages, on n'a pas peur de Besancenot, Arlette et Voynet ensemble parce qu'ils sont très bas dans les sondages.
Empêcher Le Pen d'être au second tour est-il d'ailleurs un enjeu majeur? Il y a un jeu démocratique, et les électeurs ont le droit d'envoyer le signal qu'ils ne prennent pas au sérieux, non sans raison, les propositions "modérées" qu'on leur fait.
Bayrou a une attitude aussi bien sûr. Et un discours politique, sur le refus de l'alternative préfabriquée et artificielle. La différence, c'est que ce discours vient à l'appui de son programme, renforcer sa crédibilité. Il explique ce qu'il veut faire, et il explique comment. Puisqu'aussi bien l'immobilisme français est de toute évidence ancré dans les pratiques politiques existantes, Bayrou est plutôt plus crédible qu'un autre quand il ne prétend pas faire ce que chacun sait qu'il faut faire dans le même environnement politique qui a empêché ces réformes de se faire.
Et puis, la stratégie de Bayrou est suicidaire. Il ne ménage visiblement pas ses arrières en cas d'échec, et on ne peut guère reprocher à sa stratégie du tout ou rien de ménager la chèvre et le chou.Il suffit aux candidats et candidates d'expliquer ce qu'ils veulent faire pour sortir le pays de la crise. Et de s'adresser à notre raison plutôt qu'à nos peurs. On n'est pas bêtes, pas méchants, on mord pas. Mais on vote.
vendredi 23 mars 2007
Programmes et attitudes
à 12:04
Libellés : En français, France 2007
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