jeudi 26 avril 2007

J'ai trouvé!

Je sais pas vous, mais je cherche depuis le soir du 1er tour une bonne raison de voter Ségolène. D'un coté, bien sur, il y avait le Sarkozy autoritaire, mais en le voyant avec l'air ravi évoquer Jeanne d'Arc à Rouen, j'ai réalisé que notre Mussolini en herbe, c'était plutot Bozo le clown. "Alllllèèèèz, je vououous embbbrassseuh", disait-il à la copine de la jeune fille, dans son portable. Et pourquoi on est si méchant avec lui? Alors qu'il a juste "soulevé le problème" de l'inné et de l'acquis, hein? Et puis "c'est quand meme formi-daaab' ce parti ssocialis'", non? (Ca, note...).

C'est juste un gars très gentil, quand on le contrarie pas: il dit ce qu'on a envie d'entendre. Un peu comme Ségo, note. Bon, c'est pas comme ca que je vais les différencier. Le spectre du néo-libéral, ca marche pas non plus. D'abord je suis pas sûr que ca soit plus effrayant que le dirigisme effrené de la terrasseuse auto-proclamée du Phénix du Haut-Poitou. Et puis je suis assez certain que c'est l'héritier de Chirac: il ne fera rien qui lui coûte quoi que ce soit. Il pourra même faire des trucs bien qui ne coûtent rien, comme de reconnaître la responsabilité de la France de Vichy.

D'habitude, dans ces cas-là, je me dis " je vais prendre le candidat de gauche, au moins ça fera une différence pour les libertés publiques". Mais là, la fille du colonel qui aime la rapidité de la justice chinoise? Qui veut des militaires partout? Qui humilie les jeunes militantes? Pas glop.

Les entourages ne me paraissent pas discriminants non plus: Mélenchon, Dray, Montebourg? Ou Balkany, Devedjian, Fabius? Hollande si malin qu'il aime mieux tenir son parti que gagner, ou les UDFs pro-sarko qui déversent leur fiel sur Bayrou pour un petit nonos, pour des flatteries du flatteur?

Et puis est arrivée cette histoire de débat avec Bayrou. D'abord, j'ai trouvé que c'était, pour une fois, malin de la part de Ségolène: elle démontre son ouverture sans prendre de risque, elle essaye de prendre le béarnais à son propre jeu. Tu veux les meilleurs de gauche et les meileurs de droite? Ben voilà les meilleurs de gauche, déjà. Le Bayrou, contrairement à ce qu'on nous racontait, s'est pas décomposé parce qu'il n'était pas au deuxième tour. Il a tenu bon, il veut bien débattre, mais pas participer au gouvernement. Il veut créer un nouveau parti, il a au moins (et ca le différencie des deux autres....) le mérite de la cohérence.

Du coup, on voyait se dessiner quelque chose de sérieusement nouveau. Meme dans la pression de la campagne, on entend des voix vraiment divergentes, des deux cotés. Mélenchon et Hollande excluent ce que Strauss-Kahn dit inévitable, nécessaire, logique. Raffarin(au Grand Journal du 25 avril) salut l'attitude que Robien (ahah) trouve "immorale". Et surtout, ce second tour est en train de se jouer autour d'un candidat éliminé qui, sans parler beaucoup, fait les gros titres, éclipse les deux qualifiés. En tous cas, mercredi 25, qui sait ce que Ségo et Sarko ont dit à la téle le soir, alors que le Francois faisait sa conférence de presse pour dire qu'il soutient Bronislaw Geremek?

Bon, ca me disait pas si je dois voter Ségo ou blanc? Peut-être si elle nous montrait une équipe? Si elle donnait plus de signes qu'elle veut faire équipe avec DSK? Des assurances pour la recherche peut-etre?

Mais l'histoire du CSA est venu. La droite m'a rappelé qu'en dernière analyse, il y a un point sur lequel elle ne transige pas, jamais: le pouvoir, c'est elle. Les autres sont des imposteurs. C'est leur pays. Tu les aimes pas, tu le quittes. Pas de débat Bayrou-Ségo. Interdit. Sarko veut pas. Il l'a dit: le deuxième tour, c'est comme la finale de la coupe du monde. (De 1998, pas 2006).

Et donc, je me suis rappelé: la seule différence certaine, significative, c'est que le CSA, le conseil constitutionnel, le procureur de Nanterre, sont noyautés par les héritiers de Barre et de Papon, ceux qu'on n'a pas le droit de nettoyer au Kärcher.

Alors voilà, je vais voter pour Pétain-ette pour faire barrage aux hordes sanglantes de Bozo le clown charmeur.

vendredi 20 avril 2007

Coup de gueule sur l'union au centre

Un petit coup de gueule en réponse au rebond d'Alain Richard dans Libération et à tous les ayatollahs de "la gauche, c'est la gauche".

Il a raison, Richard, l'alliance au centre, c'est l'éclatement de la gauche.

Pourquoi diable est-ce qu'on essaye de nous obliger, nous humanistes de gauche, à cohabiter avec les dogmatiques de la gauche anti-libérale et anti-marché? Nous faire croire qu'on ne peut pas être généreux si on veut laisser une place à l'initiative individuelle et aux réalités économiques? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas dire que la protection des salaires, celle des loyers ont l'effet inverse de celui qu'on recherche, qu'elles gardent effectivement les pauvres en dehors de l'emploi et du logement? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas dire que les jurys citoyens sont une idée démagogique et épouvantable, le contraire de la démocratie?

Pour une gauche sérieuse et ambitieuse, pour les pauvres, pour le progrès, dynamitons le PS!

Je me vote aussi un bon point pour n'avoir pas dit un mot, cette fois, de la personne de Ségolène.

mardi 10 avril 2007

Parsifal à Pâques et à Munich

Ici, en Allemagne, et plus encore en Bavière, on ne rigole pas avec Pâques: c'est les œufs en chocolat et Parsifal. Peut-être même encore plus Parsifal. C'était le cas ce 1er avril, (et le jeudi d'après, veille du vendredi saint, et le dimanche de Pâques).

Ce qui me frappe encore et toujours, quand on joue Wagner en Bavière, c'est la familiarité de tout le monde, et avant tout des musiciens, avec cette musique. Partout ailleurs dans le monde, enfin là où je suis allé en tous cas, il y a quelque chose d'emprunté, de rigide, de cireux dans la façon dont on joue Wagner. Pourquoi est-ce si long? Pourquoi ça nous parle pas? Pourquoi c'est réservé à une secte d'excités?

En parlant de ça, justement, on fustige dans Diapason de ce mois-ci Kent Nagano comme "anti-wagnérien", à propos de son Lohengrin en DVD. Il dirigeait justement ce Parsifal, et je l'ai effectivement trouvé anti-wagnérien dans le meilleur sens du terme: sans emphase, sans lourdeur, avec une attention aux chanteurs, pour leur laisser la possibilité de chanter, de phraser, plutôt que de brailler. Et aussi avec des égards pour la polyphonie, la subtilité de la composition, les transformations de thèmes, leur passage d'un pupitre à l'autre, et puis l'unité de l'ensemble.

L'attention aux chanteurs est particulièrement soutenue pour les premiers et deuxièmes écuyers, jouées et chantés par de petits garçons du Tölzer Knabenchor, et il y a quelque chose de très touchant et de très en phase avec l'esprit de l'œuvre, dans la sollicitude de tous, dans la fosse, sur la scène, et dans la salle, au moment où ces petits bouts de choux jouent et chantent du Wagner grandeur nature, face à 120 musiciens dans l'orchestre et 1500 personnes en face.

A part ça, la distribution est dominée par Nikolai Schukoff en Parsifal, qui joue à merveille un joyeux abruti sauvage, un gars sans filtre, habillé de peau de mouton, arrivant sur scène comme Tarzan chez Cheeta (je veux dire au bout d'une corde), ne comprenant parfaitement rien mais vivant tout à fond. Il a une jolie voix barytonante et ne donne pas l'impression de faiblir, d'un bout à l'autre. John Tomlinson campe, comme d'habitude, un Gurnemanz solide, dramatiquement crédible, maitrisant son texte, et à la grosse voix pas jolie. Ca marche bien.

La mise en scène de Konwitschny, comme déjà dans son Tristan, témoigne aussi de cette familiarité avec l'œuvre, de son dialogue intime avec. Et aussi d'un espèce de matérialisme incorrigible dont on ne peut s'empêcher de penser qu'il vient d'Allemagne de l'est. Ainsi Amfortas, tout comme Klingsor, ont-ils leur blessure à l'entrejambe, sanguinolent et avec un slip en drapé sous leur gros manteau noir de seigneur, comme un Jésus (deux en fait) exhibitionniste et crucifié par le milieu. Donc, si ça n'était pas clair, Konwitschny vous le confirme : la blessure d'Amfortas, c'est le désir sexuel, qui lui rend l'éternité et la contemplation douloureuses.

En fait, cette idée un peu grossière, quoiqu'exacte, est néanmoins enrichie par le fait que Parsifal, lui, reçoit effectivement de la lance une blessure au côté à la fin du second acte. Klingsor l'attaque, et le signe magique que fait Parsifal, qui fait reculer Klingsor et s'effondrer son paradis artificiel, c'est d'encaisser cette blessure. De prendre cette douleur sur lui, et en la sublimant donc, parce que lui ne l'a pas pris au siège de sa virilité, mais au flanc.

L'interprétation du mythe est plus généralement assez peu mystique. Le décor est ostensiblement fait en papier, avec des carreaux et des vagues crayonnages dessus. C'est, m'a-t-il semblé, le monde des chevaliers du Graal, un monde de religieux, c'est à-dire un monde: 1- qui est manifestement créé, fabriqué et 2- qui, parce qu'il est vu comme cette construction de papier, est assez austère et triste.

Dans ce monde là, le premier office du Graal voit s'ouvrir l'intérieur d'un grand arbre en papier mâché (ou en kleenex?). Sur fonds de jolies imageries catholiques, une belle vierge bien grasse et bien blanche (joué par la même que Kundry, décidément seule trace de féminité dans ce monde là, et ajoutant la vierge mère à la servante et à la séductrice) et deux angelots se révèlent. On n'a pas de mal à croire que c'est cette irruption de couleurs, de vie et de chair qui maintient en vie ces bonshommes tout gris dans leur monde tout gris de croyants.

On n'a pas de mal non plus à croire que c'est, pour Amfortas, qui a connu la femme en vrai, plus un supplice qu'autre chose. Au moment de l'office, la foule des tous gris est dans une grande pièce à plafond bas, et éclairée par le bas. Ils obligent Amfortas le blessé à sortir sur le toit, où il fait tout noir, pour faire apparaître la vierge qui le torture.

Mais au troisième, l'office du Graal par Parsifal n'a plus aucune imagerie, aucun effet spécial. Même plus de vin ni d'ostie. C'est juste une foule qui s'agglomère autour de Parsifal et de la lance. On ne le voit plus. Leur communion est devenue toute intérieure, n'est plus idolâtre. A peine religieuse. Tout juste a-t-on droit, non à la colombe elle-même, mais à un carton blanc descendu des cintres, avec une silhouette de colombe (ou de tourterelle?). En somme, ce monde qui était déjà sérieusement austère, est encore dépouillé de couleurs et d'images, va plus loin dans l'ascèse.

J'ai dit que Klingsor était le double d'Amfortas (même tenue, même blessure). Son château est celui du Graal, (image) sauf qu'il y a des papiers de couleur un peu partout qui pendent sur des fils. C'est sa magie à lui: plus diffuse que le Graal, et surtout permanente. Mais il adore quand même une statue de la vierge, que Kundry séductrice brandira pour essayer de convaincre Parsifal de la posséder juste une heure, et que le jeune homme brisera dans la combat (la statue).

Pour les amateurs, les filles-fleurs sont délicieusement gracieuses et sexy, en petites tenues de soie et lancent des oreillers en l'air. Il y en a pour tous les goûts, comme dans le mil et tre, y compris mais pas seulement la grassouille pour l'hiver (c'est quand même l'opéra).