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C'est encore un commentaire sur le style de Pacaud, suite aux commentaires de Steve Plotnicki sur le post à propos des meilleurs restaurants parisiens: “S’il n’en reste qu’un” (voir aussi Souvenirs d'Ambroisie).

Nous pouvons convenir de la cohérence de l'expérience: le décor, la cuisine, le service.
Je me réfère ici au film sur Pacaud: “Les secrets de cuisine de l’Ambroisie”. Y sont entremêlés des scènes de la vie du restaurant et des plans fixes de Pacaud, assis dans son sombre appartement à l'étage, commentant les vieilles photos et la lettre d'encouragement de la mère Brazier qu'il garde dans une boite à chaussure.

Le petit bonhomme, rablé, pas commode, est souvent au bord des larmes dans ce récit. Petit garçon, en Bretagne, il cuisinait souvent lui-même pour essayer d'apaiser les tensions domestiques. Ensuite, il a été abandonné et s'est retrouvé dans un orphelinat près de Lyon. Un dimanche, il monte avec d'autres orphelins au Col de la Luère, chez la Mère Brazier, pour faire la plonge. "J'suis jamais redescendu" dit-il. (Photo Pierre Matsuo)
Comme tout le monde, il l'appelait "la mère". Avec son premier salaire, il voulait aller chez le coiffeur, mais il avait pas assez. Elle a complété.

Ce petit dur jour toute sa vie avec chaque plat qu'il envoie. La cuisine, c'est le salut pour lui. Il y trouve des vérités éternelles. On ne peut pas compter sur les parents, on ne peut même pas les aider, on est obligé d'abandonner les parents adoptifs (Brazier et Peyrot), mais il y un élément stable dans le monde: comment se procurer et tirer le meilleur de chaque ingrédient. C'est d'ailleurs d'une stabilité limitée. Il faut recommencer à chaque fois, improviser, s'adapter. Mais bon an mal an, ça marche. Il faut d'abord chercher les meilleurs produits, les transporter et les manier avec soin, les servir au meilleur moment, les préparer le plus tôt possible, etc.

Dans le film, il explique comme il aime faire les gnocchis. Ça le calme, parce qu'il sait exactement comment ça va se passer et combien de temps ça va prendre.
Le résultat, ce me semble, est une cuisine dont le seul but est la maximisation de l'expérience sensuelle qu'apporte chaque ingrédient. Les accords, les combinaisons, ne sont que des instruments qui servent cette fin. Le reste, je crois que ça ne l'intéresse pas. A commencer par l'innovation, la nouveauté, l'esprit du temps. Il dit dans le film qu'on n'invente jamais vraiment, on se contente de redécouvir, et il cite l'exemple des figues au fenouil, qu'il croyait avoir inventé et qu'il a trouvé dans un livre de recettes servies à la table de Louis XIV.
Je suis certain qu'il ne rejette pas pour autant l'innovation, si elle sert ce but de maximisation sensuelle. Il dit qu'il ne fait plus de risotto depuis qu'il a goûté celui de son copain italien: il ne fera jamais aussi bien, pense-t-il. Sans doute adopterait-il des méthodes de cuisson sous-vide si il pensait qu'elles donnent de meilleurs résultats dans cette perspective.
Est-ce que maximiser l'impact sensuel d'un produit est sa "vérité"? De toute évidence, il y a bien des réponses alternatives, mais celle-là est plutôt convaincante, non seulement pour l'esprit, mais surtout pour le palais.

Pourtant, le refus de tout autre chose que cette maximisation a quelque chose de triste parce qu'il ignore toutes les autres bonnes choses de la vie et de la nourriture. Qui plus est, parce que Pacaud n'est intéressé qu'é cette forme de perfection qui dépend au plus haut point d'un soin extrême apporté à l'exécution, tout repas imparfait à l'Ambroisie (et ils sont rares et encore admirables techniquement), passe totalement à côté de son sujet.
Comme ils disent dans le Michelin, dans un trois étoiles, on mange "toujours très bien, parfois merveilleusement". On peut dire que l'Ambroisie ets le meilleur restaurant du Monde, au sens où personne ne fait une cuisine plus intense que Pacaud. Mais ça ne vaut le coup que si c'est stupéfiant, que si ça se passe de commentaires (oups!), que si ça donne un sentiment de vérité absolue.

1 commentaire:
Passionnant ! Je ne connaissais pas l'Ambroisie et encore moins son chef. Je m'en souviendrais
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