mardi 10 juillet 2007

Haricots verts et autre légumes verts

(les haricots de Helminger sur le Bauermarkt à Munich, Mariahilfplatz, les mercredi et jeudi)

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Ça s’appelle cuire les légumes verts “à l’anglaise”: ça repose sur un choc thermique pour fixer la chlorophylle.

Mais d’abord, il faut les choisir. Moi, je les goûte, crus. Bon, d’abord, ils doivent être brillants, d’un joli vert intense sans jaune dedans, et fermes (on ne doit surtout pas pouvoir les replier sur eux-mêmes dans qu’ils cassent). Ça doit faire un « snap » sonore quand on les casse. Mais, quand on les goûte, si on ose, ça doit être un peu sucré, sans amertume, développer des arômes fruités et intéressants. Je ne suis pas plus précis parce qu’en fait, il y a plusieurs types de haricots verts, et ils ont des goûts assez différents. Mais ça doit toujours être gourmand, pas vieux, fruité. Et comme d’habitude, il vaut mieux qu’ils aient tous la même taille (vous ne voulez pas les recouper un par un pour obtenir des morceaux de taille homogène…).

On dit souvent que les haricots français sont exceptionnels. Ils le sont, mais seulement dans les 72 heures après leurs cueillettes. Et pendant les trois semaines que durent leur saison. Au douzième coup de la soixante-douzième heure, ces végétales Cendrillons se transforment en des choses assez proches des trucs infâmes qu’on trouve dans les cantines et dans les boites, avec des fils, et beuârk. En vrai, depuis toujours, les haricots kenyans sont en général bien meilleurs parce qu’ils se conservent bien mieux. Et ils sont en général plus fins. Bien sûr, si vous trouvez de beaux haricots français sur le marché du bd Raspail un dimanche matin, ou chez Thiébault, faîtes-les le midi : ils sont effectivement bien meilleurs.

Or donc. Il faut les éplucher – comme ils sont bien choisis, ils font « snap » et ils n’ont pas de fil, puis les laver dans l’eau froide sans les laisser trop tremper. On peut les garder comme ça quelques heures, dans une passoire filmée sur une assiette si on a eu la flemme de les sécher, et dans un tupperware sinon. Au frigo c’est très bien.

Il faut beaucoup d’eau, complètement bouillante, et très salée – même proportions que pour les pâtes : 1l d’eau, 100gr de légume, 10g de sel. Beaucoup d’eau pour que la température ne change pas trop quand on met les légumes et aussi pour avoir un effet de « blanchissement » qui enlève les goûts désagréables. Beaucoup de sel pour saler les légumes à cœur et pour qu’ils soient bien verts, peut-être aussi (je n’en sais rien) pour changer la température d’ébullition. En tous cas, c’est important.

Il faut un feu suffisamment fort, pour non seulement faire bouillir vos litres d’eau, mais surtout pour que ladite ébullition revienne très vite après avoir mis les légumes dedans. Il faut aussi préparer une grande jarre d’eau très froide, glacée idéalement. L’hiver en montagne, l’eau du robinet fait bien l’affaire. L’été ailleurs, il vaut mieux avoir beaucoup de glaçons dans l’eau. Là encore, beaucoup d’eau pour assurer le choc thermique, et que les haricots sortis de l’eau bouillante ne puissent pas réchauffer le liquide et garder de leur chaleur et ne refroidir que trop lentement. Choc. Thermique.

Et voilà : les haricots par poignées (l’une après l’autre) dans l’eau bouillante, pour que l’ébullition se maintienne. On guette la cuisson « al dente », quand rien du goût cru ne subsiste (on sait, on a goûté…) mais que le haricot est encore tout-à-fait croquant. En fonction de la taille et du type de haricot, c’est une affaire de entre 3 et 10 minutes, 7 le plus souvent. Avec de l’expérience, on repère le degré de cuisson à la couleur (mais on continue à goûter parce que c’est bon). Le haricot trop cuit est mou et jaunâtre (raison de plus pour arrêter la cuisson brusquement). Et quand c’est cuit, on jette sans pitié de l’eau bouillante à l’eau glacée (douche écossaise pour Cendrillon !). Là, on ne les laisse surtout pas tremper parce qu’ils laisseraient filer dans l’eau toute cette jolie chlorophylle verte qu’on s’est échiné à fixer depuis le début (déjà 680 mots !). C’est prêt.

Qu’en faire ? On peut les réchauffer comme garniture – par exemple en les jetant dans le plat du poulet juste avant de servir, en les mélangeant avec d'autres légumes avec un jus de viande (délicieux ragoût de légumes). Si on les réchauffe trop, on perd encore tout le bénéfice de nos efforts en faveur du vert et du croquant.

On peut aussi faire une salade toute simple : le jus d’un demi-citron, une grosse cuillérée à soupe de crème fraîche, sel poivre et autant d’estragon qu’on veut – on touille, c’est prêt, ça se garde une douzaine d’heures (après, c’est encore bon, mais beaucoup moins) au frigo. On peut rajouter des tomates aussi, ça va bien. Très bon avec les charcuteries au pique-nique.

Et puis la technique s’applique avec bonheur avec tout les légumes verts : asperges, petit pois, pois gourmands, mais aussi feuilles de persil, d’ortie, fanes de radis ou de carottes, épinards, oseille pour votre saumon, mâche, laitue, cresson, etc. Pour toutes ces feuilles, on peut souvent en faire un purée ou une soupe (en détendant la purée avec l’eau de cuisson) aux arômes fabuleux, et qui firent les beaux jours de la nouvelle cuisine à la fin des années 1970.

Allez, encore une : avec les petits pois, on les mixe, on mixe aussi du concombre qu’on a fait dégorgé, et on a une phénomémale soupe froide pour l’été, qui se garde 24h au frais sans problème (Guy Savoy).

J’ai appris ça d’un commis chez Bocuse. Mais bon, Robuchon l’a bien montré 853 fois dans Bon Appétit Bien Sûr.

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