mardi 3 juillet 2007

Girolles et autres champignons

(Le stand des champignons au milieu du Viktualienmarkt de Munich, tous les jours sauf le dimanche)

A Munich, on est en pleine saison des girolles. A la différence de ce qui se passe en France, où les petites girolles sont essentiellement réservées aux grands restaurants, et où on ne trouve que difficilement et à prix d’or des grosses chanterelles, il n’y a pas ici pénurie d’offre, de sorte qu’une bonne poêlée de petites girolles bien fraîches et souples est à la portée de tous.

Il faut bien sûr les choisir bien fermes avec une jolie couleur brillante. Les champignons qui son un chapeau et un pied ne doivent pas laisser voir le dessous du chapeau. Ca doit être doux, soyeux, au toucher.

Maintenant, le vrai problème des girolles et des autres champignons, c’est de les laver et de les trier. Ce n’est pas tant un problème, d’ailleurs, qu’un travail fastidieux, parce que les champignons sauvages sont très sales, et qu’on ne peut pas les tremper dans l’eau, ça les rend spongieux.

Les pires, ce sont mes préférées : les trompettes sont les plus dures à nettoyer parce qu’elles sont creuses et poussent dans des sous-bois pleins de petites branches et d’insectes.

Essuyer les champignons avec son pouce (propre bien sûr), à sec, est à mon avis la meilleure solution, parce que les brosses et les chiffons ne sont pas aussi doux que vos doigts de fées. Ensuite, on peut les passer sous ou dans l’eau froide très rapidement, à condition de les mettre à sécher immédiatement sur un grand tamis ou une passoire avec beaucoup de trous, de sorte qu’ils ne trempent pas dans leur propre humidité, que l’eau s’écoule et que l’air circule.

Attention à la vieille technique de les poser sur un linge ou un papier absorbant : souvent les goût sont absorbés aussi (Toute cette partie sur le lavage vaut aussi pour les fraises), et l'écoulement d'eau est insuffisant.

Au passage, on élimine ceux qui sont pourris, et on peut trier afin de ne garder que les plus beaux. On garde alors les moches pour faire la sauce.

Comme pour tout, on ne peut pas avoir une cuisson régulière si les tailles sont trop différentes, donc si on n’a pas pu acheter des champignons qui sont calibrés, il faut tailler les plus gros pour qu’ils aient à peu près la même taille. Ceci dit, des petites différences de textures liées à des tailles un peu différentes font partie du plaisir d’une bonne poêlée de champignons.

Ensuite, c’est la partie facile et satisfaisante : on poêle. Le truc principal, et essentiel, c’est que les champignons ne prennent pas le sel une fois qu’ils sont cuits. Si on les sale après, le sel reste en surface, et on a des champignons fadasses avec du sel en surface qui brûle la bouche. En début de cuisson donc, on sale assez généreusement, une bonne pincée pour 100g de champignons.

La taille de la poêle doit être adaptée, de sorte que les champignons la recouvrent entièrement (sinon le beurre brûle) mais qu’il n’y en ait pas plusieurs étages (ce qui donnerait une cuisson trop irrégulière, comme pour les patates).

Le mieux, c’est au beurre, 15g pour 100g de champignons, à feu moyen qui fait mousser le beurre mais pas plus. On met le beurre, on met les champignons sans attendre que tout le beurre soit fondu, on sale immédiatement et on touille pour faire suer les champignons.

Bien sûr, les amateurs peuvent remplacer le beurre par l’huile d’olive ou une autre huile ou une mélange beurre huile. On peut même le faire dans une poêle anti-adhésive sans rien. C'est selon le goût, les préférences, et le régime de chacun.

Une fois qu’ils suent (= qu’ils brillent) et qu’ils commencent à dégager une bonne odeur, c’est le moment de couvrir pour finir la cuisson (si on fait une soupe ou une sauce, c’est le moment où on met le liquide). On peut baisser le feu pour gagner du temps (si on n'est pas près à passer à table), ou pour éviter que ça sèche si le couvercle n’est pas hermétique.

Moi, j’aime les champignons encore fermes, pas trop cuits. Evidemment, ça n’est bon que quand ils sont très frais. La plupart des champignons, à ce point, ont rendu beaucoup d’eau. Dans ce cas, je récupère les champignons de la poêle avec une écumoire, et je laisse réduire le liquide jusqu’à qu’il fasse des petites bulles, qu’il soit presque sec : alors je remets mes girolles bien fermes et goûteuses, qui se glacent dans leur propre jus réduit. C’est prêt.

Il y a deux perfectionnements possibles, non exclusifs : d’abord faire une sauce. On le fait avant. Dans une plus petite poêle, on a pris environ un sixième de nos champignons, de préférence les moches mais pas les pourris. On les a fait cuire pareil, mais au lieu de les couvrir, on a mis un peu d’eau (à mi-hauteur des champignons s’il remplissent la poêle comme il faut), et on a laissé cuire un peu plus. Et puis on passe dans un mixer (ou on utilise un petit mixer plongeant) jusqu’à obtenir une consistance de crème épaisse (on peut avoir besoin de rajouter un peu d’eau). Ca fait une délicieuse sauce diététique au goût crémeux et intense.

On peut aussi, c’est exquis, rajouter un œuf poché : pendant qu’on prépare les champignons, on a fait bouillir une casserole large pleine d’eau, éventuellement avec un peu de vinaigre, surtout pas de sel. Une fois que les champignons sont cuits, on les garde au chaud (il y en a pour cinq minutes, donc la poêle avec un couvercle doit suffire – si on les laisse sur le feu, ils continuent de cuire). Puis on ramène l’eau à frémissement, casse un œuf par personne dans un petit ramequin (pour être sûr qu’on ne poche pas un œuf avec un jaune cassé ou avec des morceaux de coquille).

On vide chaque ramequin dans l’eau, les œufs à l’écart des uns des autres, et on laisse cuire sans que ça bout jusqu’à ce que le blanc soit cuit, ce qui prend entre 1’30 et 3’, selon la taille, la température, la fraîcheur des œufs.

Ceci dit, ça ne peut marcher qu’avec des œufs ultrafrais, parce que des œufs de plus d’une semaine s’étale dans l’eau au lieu de s’y regrouper. Le sel aussi empêcherait le blanc de se regrouper.

On sort l’oeuf cuit de l’eau avec une écumoire, avec précaution pour ne pas le casser, et on l’égoutte sur du papier absorbant avant de le poser sur une assiette de champignons, un peu de fleur de sel, ça ne peut pas attendre. Le jaune chaud et coulant est un complément idéal de presque tous les champignons (peut-être pas les cèpes).

Enfin ça peut attendre, en théorie : champignons et œufs cuits à l’avance, tenus un peu sous-cuits, et réchauffés à la dernière minute, les uns à la poêle, les autres dans l’eau frémissante. C’est moins bon et c’est pas plus simple.

Dans tous les cas, ça vous fait un plat hyperprotéinés, sans féculents. Bon pour le régime, donc.

C’est Bernard Loiseau qui m’a appris tout ça.

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