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L'Atelier de Joel Robuchon, c'est un concept innovant par un de nos "cuisiniers du siecle" (le XXème -- Girardet et Bocuse étaient les deux autres). Il y a d'abord eu celui de Paris, et depuis des répliques à Londres, New York, Tokyo, avec des succès, des récompenses et des files d'attente.
Dans un décor noir et sophistiqué, un long bar fait le tour d'un grand grill/tepayaki. Mais on ne voit pas réellement les chefs cuisiner, parce qu'on est toujours loin de ce grill, et aussi parce qu'une bonne partie de la vraie cuisine reste de l'autre côté d'une porte. On est assez loin de manger dans la cuisine, donc, mais on voit un peu les chefs quand-même. Il est essentiellement impossible de réserver (sauf pour les premiers services de 11h30 et 18h) et c'est toujours blindé.
En venant un dimanche soir à 11h30 néanmoins, on a de bonnes chances d'avoir trois sièges sans attendre (en général, on vous annonce qu'il n'y aura probablement pas de place avant trois quart d'heures, ou deux heures, et on vous suggère d'aller boire un pot ailleures, où on vous appellera sur votre portable quand il y aura de la place). Mais à 23h30 par contre, on nous a bien prévenus que minuit était l'heure de fermeture de la cuisine, pas de la dernière prise de commande. Nous allions donc devoir limiter nos ambitions en termes d'exploration langoureuse du menu, plein de petites assiettes de dégustation. Mais on nous servirait rapidement, tellement rapidement que le troisième plat arrive quasiment en même temps que le second.
Tous les plats étaient, je dois dire, plus que parfaits. La tartine de pied de cochons, intense et subtile, parfaite composition de consistances, une touche de Parmesan presque insensible mais qui fait un fin contrepoint avec la gélatine du pied, salade et le tout sur tartine. 19€ pour deux petites tartines quand même. Un verre de vin du Languedoc, sans acidité et avec plein de saveurs, fait un apéritif parfait, même si ensuite on ne nous a rien proposé à boire pour un bout de temps (10eur, premier prix pour le verre de vin).
(Comme à la parade, Robuchon et ses boys)
Anchois frais et poivrons arrivent dans une présentation simple et superbe: au centre d'une assiette rectangulaire, un rectangle rayé, fait de bandelettes de poivrons (marinés et pelés) et d'anchois alternées. C'est une vraie grande alliance de goûts, qui se révèlent l'un l'autre, encore une assiette au niveau des meilleurs restaurants.
Une assiette de jambon Bellota Bellota n'a rien de remarquable à part d'être très bonne, mais sans la magie que ces grands jambons peuvent avoir, ce fondant et cette puissance (voyez Chuck pour des photos obscènes à ce sujet). Je suppose que la raison pour laquelle on nous sert des dés de chair de tomate sur un petit toast de Poilâne, c'est pour qu'on puisse pas dire que c'est pas de la cuisine. Mais c'en est pas, c'est trop cher, et c'est pas assez bon.
Le grand classique de Robuchon qu'est le Merlan frit Colbert est digne de sa légende (n'en déplaise à Gordon Ramsay et aux autres grincheux qui trouvent qu'un plat si simple n'a rien a à faire dans un grand restaurant). Le merlan, coupé en portefeuille (i.e. entier mais sans arête) est juste pané et frit. Sa chair est nacré, éclatante, moelleuse. Il est servi avec des feuilles de persil frites, et la fameuse purée de Robuchon, moitié beurre, moitié patate, dans une petite cocotte Staub (ou le Creuset?). Aujourd'hui, c'est en fait plus une sauce qu'une garniture, mais une sauce dont la richesse et l'onctuosité sont parfaites avec ce poisson pané de luxe (sauf que bien sûr, ça anéantit toute valeur diététique du Merlan...). Cette purée va même bien mieux avec le poisson qu'avec les viandes, à mon avis.
Photo Ajgnet
Elle va en tout cas beaucoup moins bien avec des pâtes à la crème. On nous l'a pourtant servi avec nos six gros macaronis al dente, crémés donc, avec du jus de veau et des morilles. Les pâtes crêmées sont le support sur lequel se développe les morilles, le jus de veau le contrepoint sucré. Comme le reste, les morilles sont parfaitement choisies, parfaitement cuites, parfaitement assaisonnées. Fermes mais pas dures sous la dent (c'est le boulot des pâtes al dente), laissant se développer leur parfums de sous-bois, juste assez dompté par la cuisson. Des petit dés de foie gras et des rognons de coq apportent une composante carnée qui complète l'harmonie irréprochable du plat. Formidable, quoi.
Le ris de veau est une grande spécialité de la maison, la plupart du temps seulement en petite assiette dégustation (et dont le prix fait pêter l'émail des dents). C'est juste un des meilleurs qu'on puisse avoir, parfaitement fondant et goûtu, (Parmi les autres grands champions du ris de veau, Bernard Loiseau en Bourgogne et Gérard Rabaey en Suisse -- Ils en servent beaucoup plus mais ça coûte beaucoup plus que les 21€ de Robuchon).
Un tartare-frites était irréprochable et sans intérêt, comme le jambon. Il ne faut pas commander les plats de bistrot chez JR, mais plutôt les grands classiques.
Donc la nourriture était top niveau, franchement impressionante. Mais il fait que je vous dise que le pain était comme s'il avait passé deux jours dans un sac en plastique, et les dessert étaient carrément pas bons (Des glaces encore passables, et des desserts au café et chocolat comme ces machins industriels qu'on sort du freezer pour regarder la télé). Et le service n'est pas particulièrement attentif ni aimable, comme s'ils vous faisait une faveur en vous servant (et ce n'était pas seulement cette fois-là).
Dans l'ensemble, mon sentiment personnel est que cet endroit est sans âme, avec ses chefs et serveurs tout en noir qu'on prendrait pour des videurs, ou qu'on s'attendrait à tout moment à voir entonner des polyphonies corses. Et aussi ce sentiment d'un business très industrialisé.
Mais l'offre est unique en son genre. Où diable peut-on manger des ris de veau parfaits un dimanche soir à minuit? Où peut-on n'avoir que quelque bouchées de haute gastronomie, sans le cirque du grand restaurant ni le menu dégustation? Ici, c'est la gastronomie pour quand on n'a pas le temps, ni l'appétit. Si vous voulez la dégustation par contre, ça coûte autant qu'au grand restaurant. Et puis on prend le vin qu'on veut ce jour-là, simple Languedoc ou Grand Bordeaux. Il n'y a pas: l'Atelier, c'est un concept hyper malin, et très bien réalisé (à part le pain, le service et les desserts, donc).
252eur pour ce dîner à trois.
2 commentaires:
en ce qui me concerne un tres bon moment dans ce restaurant, une cuisine juste et remarquable, sans additif...comme je l'aime.
Et en plus j'ai rencontré JR la semaine derniere lors d'une soirée et j'ai decouvert un personnage.
Je viens de tester l'ATELIER de Joël ROBUCHON de TOKYO...
c'était merveilleux!
quelques photos sur :
http://arigato-gozaimasu.over-blog.com/
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